Les théoriciens de la mondialisation

Publié le par le desobeissant

La mondialisation n'est pas un phénomène accidentel. C'est un objectif politique théorisé au début du XXe siècle par l'intelligentia anglo-saxonne à l'apogée de l'empire britannique et reprise à son compte par les magnats de l'industrie et de la finance. Deux intellectuels ont particulièrement façonné la pensée mondialiste : Clarence K. Streit (USA) et H.G. Wells (UK).

new-world-order-hg-wells-2-1-.jpgSi tous le monde a entendu parler de H. G. Wells, l'auteur de la Guerre des Mondes ou de la Machine à voyager dans le temps, le public est peu familier de l'œuvre de Clarence Kirshmann Streit (mort 1986).

Pourtant Clarens Streit a eu une influence considérable sur la genèse du monde occidental tel que nous le que nous le connaissons. Ses idées ont été à l'origine de l'élaboration du Traité de l'Atlantique Nord et donc de l'OTAN.

Streit est un pur produit de l'élitisme anglo-saxon : D'origine modeste, il étudia à Oxford grâce à une bourse Rodhes, le magnat du diamant fondateur de la "Round Table", cercle dont Streit sera à son tour membre. 

Devenu correspondant à pour le New York Times à Genève auprès il assiste au naufrage de la Société des Nations qu'il attribue au fait qu'elle était un "gouvernement des gouvernements" au lieu d'être un gouvernement fédéral mondial.

Il en conclue que si les institutions appelées à garantir l'ordre mondial veulent avoir du succès, elles doivent s'attaquer à la souveraineté nationale qu'il qualifie de "poison" et de "microbe" et s’appuyer sur la loyauté des citoyens.

Il publiera en 1939 un manifeste pour un gouvernement mondial intitulé Union Now qui sera le premier texte de référence sur le gouvernement mondial aux USA.

http://www.constitution.org/aun/uni...

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C. K. Streit

Après guerre ses idées seront mises en pratique par William Clayton et déboucheront sur le plan Marshall et le traité d'Atlantique Nord. L'action de Steit dans la promotion d'un gouvernement mondial unique notamment à travers le Streit Council for a Union of Democracies aura une grande influence sur les responsables politiques à travers le monde.

Cependant, pendant la guerre froide, l'OTAN n'a pas pris la voie du fédéralisme démocratique mondial que prônait Steit mais est devenu l'instrument du leadership des USA face au bloc soviétique.

Maintenant que la guerre froide est dépassée, l'OTAN a repris le rôle d'instrument de construction du gouvernement mondial, mais des principes de Streit, l'Organisation (qui n'a plus grand chose d'Atlantique) n'a gardé que l'idée qu'il fallait s'attaquer à la souveraineté nationale.

Pour ce qui est du régime à mettre en place, auquel on se réfère par le terme de New World Order depuis que G. Bush Senior, un certain 11 septembre 1990, l'ai clairement désigné comme un objectif majeur des USA, c'est chez H. G Wells qu'on en trouve la description.

New World Order est en effet le titre du livre que Wells a publié en 1940 et qui contrairement à ce qu'on peut lire n'est pas un roman, mais principalement une critique du livre que Streit a publié un an avant.

Les divergences de Wells par rapport à Streit ne sont pas anodines : Wells est tout simplement contre la démocratie.

Voici ce qu'il écrit à ce sujet :

"Prenons maintenant les quelques vagues propositions constructives qui semblent en vogue à présent. Elles trouvent leur expression dans le livre de M. Clarence k. Streit, appelé "l'Union maintenant" ; lequel a lancé le mot magique de "fédération" sur le monde. Les "démocraties" du monde devraient s'associer jusqu'à obtenir une sorte d'élargissement de la constitution fédérale des États-Unis (laquelle a produit l'une des guerres civiles les plus meurtrières dans toute l'histoire) et tout ira pour le mieux dans le meilleurs des mondes."

" Tout au long de l'histoire de l'Homo sapiens, j'ai toujours considéré le mot "démocratie", avec une méfiance d'autant plus grande que l'on demande, semble-t-il, à de nombreux jeunes gens de sacrifier leur vie par amour pour elle. J'ai montré qu'elle demeurait une aspiration encore très incomplète et que sa pleine réalisation impliquait le socialisme et un niveau d'éducation et de l'information jamais encore atteint par quelque communauté de part le monde."

M. Streit donne de la démocratie une conception plus faible, plus rhétorique - plus idéalistes devrais-je dire ? . Le genre de déclaration qui serait considérée comme très exagérée même en temps la propagande de guerre. Et bien que la réalité soit, malheureusement, bien éloignée de cet idéal, il procède comme si ce qu'il appelle les "démocraties" du monde étaient une description fidèle des régimes existants. Il s'imagine voir, dans ces pays des "gouvernements du peuple, par le peuple et pour le peuple".

(...)

Aidons donc M. Steit à transformer sa noble aspiration rhétorique de "fédération" en une réalité plus prosaïque."

Après un tour des obstacles à faire une fédération des démocraties et de leurs empires coloniaux, Wells passe à l'économie et la nécessité d'avoir une monnaie unique.


"Intéressons nous à un point sur lequel M. Streit ne semble pas avoir compris toutes les implications de sa proposition. Cette grande Union implique une monnaie unique et une union douanière dans un système économique de libre-échange. Qu'est-ce que cela implique ? Plus que ce qu'il ne pense.

Il y a un aspect de l'argent pour lequel la majorité de ceux avec qui j'ai discuté semblent être irrémédiablement aveugle. Aucune théorie de l'argent, aucun système monétaire n'existe isolément. L'argent n'est pas une chose en soi. Il n'existe que comme la partie d'un système économique. L'Argent varie dans sa nature avec les lois et les idées de propriété dans une communauté. Si la communauté évolue vers le collectivisme et du communisme, par exemple, l'argent se simplifie. (...) La manipulation monétaire devient un facteur de plus en plus important dans la lutte concurrentielle, non seulement entre les individus et les entreprises, mais entre les états. Comme le montre M. Streit lui-même, dans un excellent débat sur l'abandon de l'étalon-or, l'inflation et la déflation deviennent des enjeux de concurrence internationale. L'argent devient stratégique, tout comme de pipe-lines et les compagnies ferroviaires peuvent devenir stratégique."

"C'est pourquoi il est clair qu'une monnaie commune dans une Union fédérale signifie une vie économique identique dans toute l'Union. Et cela aussi est également implicite dans l'économie de libre-échange de M. Streit. Il est impossible d'avoir une monnaie commune lorsque le dollar ou la livre, ou quoi que ce soit, avantage ce qui se vends au sein d'un état et ne peut payer ce qui se vends dans tel autre état. Une Union fédérale est liée à un système économique uniforme."

(...)

Voilà où nous mène Union Now. L'un des principaux mérites de M. Streit est qu'il a eu le courage de faire des propositions sur lesquelles nous pouvons mordre. Je doute qu'un Européen aurait simplement pu produire un tel livre."

Mais alors si le régime du gouvernement mondial ne peut étre démocratique, que propose H. G. Wells ?

C'est dans le chapitre "politics for the sane man" que Wells dévoile ses idées, empruntées pour une grande part à Saint-Simon qui rêvait de remplacer les parlementaires élus par des assemblées de savants et d'industriels.

Wells propose d'instaurer une protection droits de l'hommiste pour les citoyen(ne)s ordinaires. Un modèle repris depuis par l'UE et ses divers tribunaux.

Selon Wells, les débats politiques seront vains puisque le Nouvel Ordre Mondial devra unifier le système économique du monde. Aucune alternative n'étant possible, le gouvernement devient gouvernance et est dévolue aux experts.

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H. G. Wells

Une vision qui ne pouvait que complaire aux magnats de l'industrie dont elle justifiait la suprématie de fait et leur offrait une justification idéologique pour dominer le monde.

Wells et Streit sont deux des sources du mouvement mondialiste mais ll est trop simpliste de croire que l'un ou l'autre sert à lui tout seul de modèle au phénomène que nous vivons.

Wells a fourni une méthode de mise en place et une vision pragmatique du régime global dans son New World Order, mais sa vision socialiste du monde ne pouvait pas convenir aux banquiers et les magnats de l'industrie. Tout juste est-il utile pour hypnotiser les politiciens et l'intelligentia de gauche et à les embrigader dans le mouvement International Socialiste.

Par contre le modèle libre-échangiste du Union Now de Streit plait bien plus aux oligarques, lesquels n'ont que faire de son utopie de fédération de démocraties dont la seule utilité est de rallier les politiciens de centre-droit et les républicains.

Voilà, j'espère que ce vieux débat de 1939-1940 vous a semblé suffisamment actuel pour vous donner envie de vous pencher sur la genèse du mouvement globaliste.

Je conclue par cette irrésistible citation de H. G. Wells, toujours tirée du New World Order, à propos d'Aldous Huxley qui nous est spécialement destinée :

"A ce point, il [l'occidental rétif à la globalisation] se référera sans doute à cette Bible pour impotent bien éduqué, je veux parler du Meilleur des Mondes de Huxley, et vous implorera de le lire. Balayez donc d'un revers de main cette fantaisie désagréable et continuez à faire pression sur lui..."
Puisque Wells prends la peine de le citer, c'est qu'il vaut la peine d'être relu.

Résistons donc à la pression et relisons le Meilleur des Mondes.

Aldous

Source :Agoravox

Publié dans Nouvel ordre mondial

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