La droite gouverne avec une idéologie de droite

Publié le par le desobeissant

UMP-3-e9301[1]Ce mercredi 13 octobre sur France Inter, François Baroin affirmait contre l’opinion de la rue que la réforme des retraites ne reposait pas sur un choix idéologique mais sur une exigence démographique. Autrement dit, repousser l’âge du départ à la retraite à 62 ans, cela s’impose de la même manière qu’il faut construire une digue pour se préserver d’une marée haute et d’un coup de vent. C’est vrai que tous ces seniors parvenus au seuil de cesser de travailler, cela ressemble à une marée montante de vieux prenant d’assaut les caisses de retraite pour faire valoir leurs droits. Il est tout aussi vrai que laisser le système en l’état, c’est-à-dire un départ à 60 ans ou 65 sans décote, et le maintient du montant des pensions, générera un énorme déficit. Donc il faut réformer. En prenant le principe le plus simple. Les gens vivent plus vieux, qu’ils travaillent plus longtemps avant de réclamer une pension de retraite en lieu et place d’un salaire. Le journaliste économique de France Inter n’était pas du même avis. La réforme des 62 ans vise à réduire la part de l’Etat dans le financement des retraites. Cet avis est cependant douteux. La vérité étant plutôt que l’Etat ne veut pas augmenter cette part. Ce qui se comprend aisément, au vu de la dette nationale. Sans vouloir refaire l’histoire, on peut penser que l’endettement de l’Etat a obéré les leviers pour une politique solidaire. Il n’en est pas moins vrai que l’Etat providence mise en place par la social-démocratie coûte de plus en plus cher. Pourtant, l’économie produit de plus en plus de richesses. Est-il exact que la droite est sans idéologie ? Son discours tend à le laisser croire. On se souvient des propos d’Edouard Balladur sur la nécessité de faire des réformes pour que la France puisse rester dans la course des pays riches et avancés. A entendre les responsables de droite, on pourrait penser qu’il y a une fatalité économique et qu’on ne peut rien faire d’autre que de s’y adapter, comme si les tendances du système capitaliste étaient aussi naturelles que la pluie qui tombe. Un seul et unique objectif, la croissance. Cela tombe sous l’évidence, évidemment, que nous sommes bêtes, il vaut mieux être plus riche que moins riche. Droite et gauche sont pour la croissance mais tracent des nuances lorsqu’il faut répartir cette croissance. Et répartir, n’est-ce pas le principe même des retraites par répartition ? Cette question est plus malicieuse qu’il n’y paraît parce que le PS ne semble pas très loquace sur les leviers financiers permettant de maintenir le départ à 60 ans sans toucher aux pensions. On comprend les réticences de Mme Aubry à débattre sur ce sujet.

Plus généralement, la question essentielle est la suivante : la droite a-t-elle une idéologie ? Cette question on pourrait la poser aussi à la gauche socialiste. Encore faut-il préciser ce qu’est une idéologie au sens politique. Il y a idéologie quand il y a un choix rationnel adopté et orientant l’action politique. Et l’action politique, on dira qu’elle oriente les décisions de gouvernement pour favoriser un ensemble d’intérêts et aussi répondre à un certain choix de société. En observant les décisions politiques, on peut mesurer quelles en sont les idéologies déterminantes. La réforme des retraites n’a pas été débattue car il existe un tabou consensuel sur le montant des pensions. Celles-ci sont très inégalitaires, avec plusieurs frontières sociales, public ou privé, hommes ou femmes, cadres ou smicards, parcours longs ou hachés. Une piste aurait été de baisser les plus hautes pensions pour équilibrer l’ensemble. Un véritable tabou. Surtout que parmi les intéressés, on trouve les retraités de catégorie A de la fonction publique, de bons clients pour le PS. Bref, nul ne songe a toucher à ce verrou. Pas d’idéologie ? Non, il y a bien une idéologie en œuvre, dont la maxime serait, ne pas toucher aux plus aisés. Place maintenant à un coup d’œil sur l’évolution des sociétés.

Les bonus accordés aux traders de Wall Street ainsi qu’aux opérateurs financiers dans les banques sont en augmentation cette année par rapport à la précédente. Les médias annoncent par ailleurs le retour des profits. Plus intéressant encore, cette étude suisse montrant que la France est le pays au monde dont la densité de riches est la plus élevée, juste devant les Etats-Unis. Ces riches sont comptabilisés dès lors que leur patrimoine dépasse le million de dollars. Certes, si la parité de l’euro était moins avantageuse, les Etats-Unis seraient devant la France. Néanmoins, l’Allemagne, et l’Italie, pays de la zone euro, ont moins de millionnaires. Quant à la Grande-Bretagne, l’interprétation du chiffre assez bas doit prendre en compte la faiblesse de la livre. Mais même avec une livre au taux de change d’avant la crise, ce pays qu’on croyait inégalitaire dispose de moins de millionnaires que cette France au modèle social admiré par les uns, honni par les autres. La densité de millionnaires dans notre pays ne doit pas nous surprendre. Elle est confirmée par les chiffres de l’Insee. Alors qu’une balade dans les centres-villes ou une flânerie au bord de mer permet de saisir les inégalités à travers le nombre de Mercedes, Audi, BMW et autres berlines haut de gamme. Une vitrine dans une agence immobilière confirmera ces différences de patrimoine. Depuis l’an 2000, les revenus des classes supérieures ont considérablement augmenté, quand ceux des classes moyennes et inférieures ont stagné, voire légèrement progressé. Une accélération s’est produite vers 2005. L’euro fort a sans doute accentué l’enrichissement des classes aisées, comme le fit le currency board entre le peso et le dollar avant la crise argentine.

On peut lire dans les médias des commentaires récurrents sur la pauvreté et les inégalités. On y apprend que les pauvres restent pauvres mais que leur nombre d’augmente pas. Enfin, pas encore, car les dernières statistiques récemment commentées concernent l’année 2008, avant que les effets de la crise soient tangibles. A lire ces analyses, on imagine que la situation est normale, habituelle, acceptable. Que le nombre de pauvres soit stable ne choque pas grand monde. Comme si une minorité précaire évaluée entre 10 et 15 % était une conséquence inévitable du système économique dans les pays avancés, un seuil incompressible. Les chantres de la globalisation louent ces pays émergents qui comme le Brésil, la Chine ou l’Inde, parviennent à sortir leur population de la pauvreté en faisant passer un pourcentage d’individus dans la tranche des classes dites moyennes. 400 millions de Chinois en font partie. Le président Lula aurait fait passer 50 millions de Brésiliens dans la catégorie moyenne. Ces pays sont dans la dynamique des Trente glorieuses, à la différence près que la pauvreté reste largement présente. Les économies émergentes ont pour caractéristique d’augmenter la classe moyenne tout en permettant aux plus riches de prendre la meilleure part. Les économies avancées prennent une tendance inverse. Stabilisation ou même déclin de la classe moyenne. Cette tendance s’accentuera parce que la croissance économique des pays riches ne peut plus revenir comme avant.

La question lancinante, idéologie ou fatalité déterminent cette tendance ? L’accroissement des revenus des plus aisés n’a rien d’une fatalité. C’est la conséquence d’une idéologie qui récompense les gagnants et fait de la société le théâtre d’un jeu d’argent. Une logique de casino orchestre le jeu économique des individus en codifiant la distribution des lots selon un obscur processus d’auto-organisation offrant aux plus déterminés des prédateurs leurs lots de profit. Les Etats sont complices, optant pour une clause non dite de la classe la plus favorisée. L’imposition maximale a subi deux réformes, passant de 70 à 60% du revenu sous le gouvernement de Villepin, puis à 50% sous le gouvernement de Sarkozy. Ces mesures ont bien orientées d’un point de vue idéologique. Comme du reste les nombreuses défiscalisations visant les catégories aisées. Investissement locatif, déductions dans l’épargne retraite, rénovation d’un logement. Aux dernières nouvelles, la France serait le pays qui concentre le plus de millionnaires. Si ce constat n’est pas faussé par une proportion importante de résidents étrangers faisant partie de ces riches, alors on doit voir dans ce phénomène le résultat des politiques de droite menées depuis 2002. Que le politique ne puisse agir contre les inégalités n’est qu’un mensonge. Comme si ces inégalités étaient inscrites dans une loi naturelle. Et voilà qu’actuellement, quelques députés de l’UMP réfléchissent à l’abandon d’un jour de congé supplémentaire pour financer la dépendance. L’un des ressorts idéologiques de la droite, c’est l’esclavagisme. Qui se souvient de ces élus du RPR revenant d’un voyage en Afrique du Sud dans les années 80 et trouvant acceptable l’apartheid.

L’idéologie de droite, c’est l’esclavage de la société

au profit des plus aisés. 

 

Bernard Dugué

 

 

Source :Agoravox.fr

 

Publié dans Politique

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